vendredi 25 mars 2011

Lettre recommandée à mes témoins leur rappelant la nécessité de leur présence à l'audience du 28 septembre 2011

A Mr Jean Louis DEBRE, Président du Conseil Constitutionnel, Mr Jean Luc WARSMANN Président de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale et Mme Martine AUBRY Première Secrétaire du Parti Socialiste

Votre témoignage devant le tribunal correctionnel de Rennes

A l’audience du 28 septembre 2011 à 16 heures

LR avec AR

Madame, Messieurs,

Renvoi de l’audience au cours de laquelle votre témoignage est attendu

Le 11 février 2011, vous avez reçu une citation à comparaitre en qualité de témoin à l’audience du mercredi 23 février 2011 du tribunal correctionnel de Rennes.

Par courrier, vous avez informé le Président du tribunal de votre indisponibilité pour cette audience.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Madame la Présidente de l’audience un renvoi à une date suffisamment éloignée pour que vous puissiez prendre vos dispositions pour apporter votre témoignage dans l’affaire qui me concerne.

La demande de renvoi a été acceptée et la date de l’audience qui aura à examiner cette affaire est fixée au mercredi 28 septembre 2011 à 16 heures au tribunal de grande instance de Rennes, 7 rue Pierre Abelard 35000 Rennes.

Je vous demande de retenir cette date dans votre agenda.

Une obligation de témoigner

Je suis persuadé que vous en savez davantage que moi-même sur les obligations qui concernent les citoyens appelés à apporter leur témoignage devant la justice, cependant je me permets de formuler par écrit les raisons qui justifient votre témoignage et, par la même occasion, ma détermination à user de tous les moyens légaux pour le rendre effectif.

1 Il existe un principe fondamental inscrit dans la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.

Ce principe figure à l’Article 6 – Droit à un procès équitable, et plus précisément à l’alinéa 3d qui affirme que

Tout accusé a droit notamment à :

d interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

La jurisprudence de la Cour de cassation sanctionne la violation de cette règle qui donne au prévenu la liberté dans le choix des témoins à décharge.

C’est ainsi que l’arrêt du 23 juin 2004 casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble Attendu que, pour rejeter la demande présentée par Guy X…, tendant à l’audition de trois témoins cités par son avocat, l’arrêt énonce que ces derniers « n’ont pas assisté aux faits litigieux » ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que ces témoins n’avaient pas été entendus par le tribunal, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé

Une jurisprudence réaffirmée dans l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 3 juin 2009, N° de pourvoi : 08-83.665.

2 Dans le droit français, ce sont les articles 435 à 457 du Code de procédure pénale qui fixent les règles auxquelles doit répondre l’audition des témoins.

L’article 437 est ainsi rédigé : Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

L’article 438 fixe l’amende qui sanctionne le non respect de l’article 437 : Le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse, soit de prêter serment, soit de faire sa déposition, peut être, sur réquisitions du ministère public, condamné par le tribunal à une amende de 3 750 euros.

L’article 439 donne au tribunal les moyens de forcer un témoin à comparaitre :Si le témoin ne comparaît pas, et s'il n'a pas fait valoir un motif d'excuse reconnu valable et légitime, le tribunal peut, sur réquisitions du ministère public ou même d'office, ordonner que ce témoin soit immédiatement amené devant lui par la force publique pour y être entendu, ou renvoyer l'affaire à une prochaine audience.

Il est exact que la loi prévoit parfois des règles spécifiques pour des fonctions particulières mais ces exceptions ne vous concernent pas et aux yeux de la loi, vous êtes considéré comme n’importe quel autre citoyen.

Vous enverriez à l’ensemble du pays une bien mauvaise image de la haute fonction que vous occupez si vous n’acceptiez de remplir votre devoir de citoyen que sous la contrainte de la force publique prévue par l’article 439 CPP…

J’ai conscience de la gêne que cela peut vous procurer, j’ai conscience aussi du gigantesque fossé qui sépare nos personnes, vous avec des responsabilités énormes et moi, simple chomeur, vous, à la tête d’une structure indispensable à la démocratie et moi simple citoyen… C’est justement parce que vous avez une très grande responsabilité au sein de notre système démocratique que j’ai besoin de votre témoignage.

Si il ne s’agissait que de ma modeste personne, si il ne s’agissait que d’éviter une condamnation pécuniaire ou autre, d’une part je n’aurais jamais inscrit cette revendication sur des batiments officiels et d’autre part c’est parce qu’il s’agit de quelque chose qui dépasse ma propre situation, qui concerne un droit fondamental et que des millions de nos concitoyens en subissent les conséquences, que votre témoignage est indispensable.

L’obligation de défendre un droit constitutionnel

Au-delà du respect du à la loi, au-delà de ma détermination à faire respecter ce droit, il y a une raison pour laquelle en tant que témoin, vous devriez être particulièrement motivé pour apporter votre témoignage, il s’agit de l’ Article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 qui affirme que - Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

Si il n’existe plus de Constitution, ce sont vos fonctions elles mêmes qui perdent le support juridique de leur existence.

Dans la logique de cet article 16, à partir du moment où la garantie des droits n’est plus assurée comme cela semble être le cas en ce qui concerne le droit constitutionnel d’obtenir un emploi, c’est toute la Constitution qui est considérée comme inexistante.

Dans la mesure où c’est la Constitution qui encadre l’existence des partis, de la représentation nationale et des élus, en son absence ce sont les fondements juridiques de nos assemblées nationales et de toutes nos institutions qui s’écroulent.

Etant donné les fonctions que vous occupez , vous devriez être soucieux, au moins autant que n’importe quel citoyen, de la garantie effective de nos droits fondamentaux.

Un témoignage sur le contenu de ma revendication

Je partage votre opinion sur le fait que vous ne pourrez guère apporter d’éclaircissements sur les circonstances de l’acte qui me vaut de paraître devant la justice. Il s’agit d’un point que je ne conteste nullement, ni sur la matérialité des faits ni sur ma responsabilité personnelle.

C’est pourquoi votre témoignage ne saurait concerner ce registre.

Par contre vous seul, pouvez témoigner sur les démarches que j’ai entreprises auprès de vous-même et de votre organisation, pour vous alerter concernant ce droit constitutionnel et vous demander d’y apporter une solution permettant l’application concrète de ce droit.

Vous seul pouvez donner l’interprétation de votre institution concernant les droits constitutionnels en général et plus particulièrement le droit d’obtenir un emploi.

Comme je l’écrivais dans la citation à comparaitre qui vous a été délivrée

Les questions porteront essentiellement sur le « droit d’obtenir un emploi » inscrit à l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution.

Vous serez appelé à donner votre témoignage sur les exigences d’un tel droit, sur son application et les obligations qu’il entraine pour l’institution dont vous êtes le représentant mais aussi pour chacun des citoyens qui constituent notre pays.

Il est évident que le parquet voudrait éviter les questions qui gênent et zapper le droit constitutionnel d’obtenir un emploi en limitant le débat à la question de « dégradation ou détérioration d’un monument ».

Comment une bonne justice pourrait-elle être rendue si le tribunal faisait abstraction du contenu de ma revendication ???

Ce serait aussi incompréhensible que l’attitude d’un tribunal qui, face à des écrits racistes, homophobes ou antisémites, limiterait son champ d’investigation à la dégradation ou la détérioration du support sans s’intéresser au contenu des écrits.

Pour exister avec le maximum d’efficacité une démocratie a besoin que chacun des pouvoirs qui la composent s’exerce pleinement.

Votre témoignage permettra à la justice de se prononcer sur la question qui lui est soumise après avoir pris connaissance du point de vue d’une des institutions les plus indispensables au fonctionnement de la démocratie.

Je ne doute pas que vous aurez à cœur d’apporter votre contribution sur un droit fondamental en étant présent à l’audience du tribunal correctionnel de Rennes du 28 septembre 2011 à 16 heures .

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes sentiments les plus respectueux.

La Selle en cogles, le 22 mars 2011.

BOUTHEMY