Que penser d’un droit qui ne trouve aucune application concrète ???
Dans un pays qui comprend plusieurs millions de chomeurs, on peut s’étonner sur le fait qu’aucun de ces chomeurs, qu’aucune association, qu’aucun syndicat, qu’aucun parti politique ne se soit appuyé sur le droit Constitutionnel d’obtenir un emploi pour améliorer la situation de ceux qui sont confrontés à cet état de chomage…
On pourrait encore comprendre cette absence de réaction si cela concernait seulement quelques individus, si le chomage correspondait à la durée nécessaire pour retrouver un emploi, si cela correspondait à des circonstances particulières qui étaient en train de s’améliorer…Mais lorsque cette situation touche une grande proportion des jeunes, lorsque des personnes sont condamnées durant de longues périodes de leur vie à cet état, lorsque le problème aurait tendance à s’accroitre plutot qu’à diminuer, l’absence de réaction semble incompréhensible.
Cette absence de réaction pourrait s’expliquer par le fait que ce droit n’aurait aucune valeur juridique ou contraignante en France, que ce droit releverait de bonnes intentions émises par des organismes n’ayant aucune autorité sur les administrations nationales…Mais ce droit fait partie intégrante de la Constitution. Ce droit fait partie du Contrat qui lie d’une part les citoyens entre eux et d’autre part chacun des citoyens à l’Etat, garant de la pérennité de la Constitution par l’application des droits et devoirs de chacun.
Cet engagement est total et peut parfois être contraignant au point d’accepter que des individus doivent donner leur vie pour la défense de cette Constitution et des engagements qu’elle entraine. C’est ainsi que mon grand père en 1915 est mort face à l’ennemi. C’est ainsi que mon propre père a passé cinq années de sa vie comme prisonnier de guerre où sa situation ressemblait beaucoup à l’esclavage.
De nos jours, la conscription elle-même a été supprimée et les devoirs de chacun paraissent moins contraignants en ce qu’ils se limitent souvent à payer les impots et à respecter les lois.
Pour autant les droits accordés à chacun de nous ont-ils régressé ???
Tout indique plutot le contraire. Les droits reconnus à chaque individu susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat ne cessent de se développer…sauf en ce qui concerne le droit d’obtenir un emploi.
Devrait-on considérer que ce droit serait devenu caduc, obsolète, inadapté à notre époque et aux besoins des citoyens ???
Pour beaucoup de personnes, pour tous ceux qui ne disposent pas d’une fortune personnelle ou familiale, le travail est la seule et unique façon de se procurer des revenus qui permettent l’accès à tous les autres droits. Que reste-t-il à ces individus lorsque cette possibilité de se procurer des revenus leur est interdite ??? Vivre de la mendicité ou des trafics ??? Est-ce la meilleure façon d’assurer l’épanouissement des individus et la cohésion de la société ???
Il faut reconnaître que ce droit constitutionnel d’obtenir un emploi n’est susceptible de bénéficier qu’aux plus pauvres, qu’à ceux qui ne disposent pas des relations ou des revenus pour s’intégrer dans la société…Aux plus faibles !
Est-ce une raison suffisante pour considérer que ce droit ne pourrait bénéficier des mêmes garanties et des mêmes attentions que tous les autres droits constitutionnels ???
Confronté à cette situation de chomage, j’ai donc saisi la justice administrative en revendiquant le droit constitutionnel d’obtenir un emploi et en demandant à être indemnisé pour le préjudice subi du fait que l’Etat ne m’avait pas permis de bénéficier de ce droit constitutionnel.
Sans surprise j’ai été débouté de mes demandes.
Ce qui constitue cependant une surprise c’est les motifs que les juges ont invoqués pour me débouter.
Arrêt de la cour d’appel de nantes
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL
DE NANTES
N° 06NT00655
---- REPUBLIQUE FRANCAISE
M. Jean-Claude BOUTHEMY
____________ AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
M. Gualeni.
Rapporteur
____________
La Cour administrative d'appel de Nantes
M. Millet,
Commissaire du gouvernement (3ème chambre)
____________
Audience du 29 juin 2006
Lecture du 30 juin 2006
____________
Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2006, présentée pour M. Jean-Claude BOUTHEMY, demeurant Le Pont Besnard à La Selle-en-coglés (35460), par Me Collet ; M. Jean-Claude BOUTHEMY, demande à la Cour:
1°) d'annuler le jugement n° 04-1251 du 24 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le Tibunal reconnaisse que "le droit d'obtenir un emploi est un droit fondamental que l'administration doit s'efforcer de rendre effectif pour chaque citoyen et qu'à défaut, l'absence d'exercice de ce droit d'obtenir un emploi mérite d'obtenir indemnisation de la part des pouvoirs publics", d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation des conséquences dommageables de toutes les périodes où il n'a pas pu "exercer à temps complet le droit d'obtenir un emploi" ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme ;
il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Rennes a considéré que le principe posé par la Constitution française ne peut servir de fondement à une action contentieuse en indemnité en l'absence de tout moyen invoqué tiré de la violation des dispositions législatives ou réglementaires, alors que la Constitution consacre le principe du droit au travail lequel fonde le droit corrélatif à un revenu de remplacement (alinéas 5 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946) ;
N° 06NT00655
- le Conseil constitutionnel a jugé que parmi les principes économiques et sociaux énumérés par le texte du préambule de 1946 figure le droit pour chacun d'obtenir un emploi et qu'il appartient au législateur d'assurer la mise en oeuvre de ces principes ;
- la Cour européenne des droits de l'homme a posé le principe d'un droit à gagner sa vie par le travail sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- malgré sa volonté de travailler et les démarches entreprises, il a connu de longues périodes de chomage interrompues par quelques emplois à durée limitée, occupe un emploi depuis le 9 mai 2000 qui l'occupe 4 heures 30 par jour travaillé et n'a jamais pu obtenir un emploi à temps complet lui permettant de contribuer aux besoins de sa famille ;
- ainsi, l'Etat a manqué à ses obligations en ne lui permettant pas de bénéficier de son droit constitutionnel de disposer d'un emploi, contrairement à l'appréciation portée par le Tribunal ;
- il subit un manque à gagner de 30 000 euros depuis l'année 2000 correspondant à la différence entre ce qu'il gagne et ce qu'il aurait pu percevoir au titre du SMIC, une perte certaine au regard de ses droits à la retraite et un préjudice moral, justifiant une indemnité de 120 000 euros, du fait du non exercice involontaire de son droit d'obtenir un emploi et de l'impossibilité matérielle d'assumer décemment ses charges familiales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision par laquelle le président de la 3ème chambre a, en application de l'article R 611-8 du code de justice administrative, dispensé l'affaire d'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son préambule ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2006 ;
-le rapport de M. Gualeni, rapporteur :
-et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le principe posé par les dispositions du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes duquel "Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi...", ne s'impose au pouvoir réglementaire en l'absence de précision suffisante, que dans les conditions et les limites définies par
N° 06NT00655
les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français ; que, par suite, M. BOUTHEMY, qui se borne à invoquer le droit d'obtenir un emploi et le droit de gagner sa vie par le travail n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 150 000 euros au motif qu'en dépit de sa volonté de travailler et des démarches entreprises en ce sens il n'aurait jamais pu obtenir un emploi à temps complet lui permettant de contribuer décemment aux besoins de sa famille ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. BOUTHEMY n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. BOUTHEMY est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude BOUTHEMY et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2006, à laquelle siégeaient :
- M. Cadenat, président de chambre,
- M. Geffray, premier conseiller,
- M. Gualeni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2006.
Le rapporteur, Le président
C. GUALENI P. CADENAT
Le greffier,
J. RODRIGUES DE OLIVEIRA
La République mande et ordonne au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Bonjour,
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